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20 mars 2010 6 20 /03 /mars /2010 10:42

Contre le solipsisme blanc : l’une des grandes revendications des mouvements de femmes blanches a été, historiquement, le droit de refuser l’assignation à la maternité. La norme de féminité (blanche) supposait / suppose douceur, tendresse, moralité, autant de qualités qui font des femmes des êtres devant s’accomplir et s’épanouir dans la maternité. Mais la norme imposée au travers de l’histoire aux femmes noires a été tout autre : les femmes noires ont été construites comme rustres, méchantes, sans moralité, sans instinct maternel. Beaucoup d’entre elles ont été stérilisées de force. L’enjeu pour elles a été, tout au contraire, d’être reconnues dans leur statut de mères. Le rapport de genre n’opprime pas de la même manière les femmes blanches et les femmes noires ; il n’opprime pas de la même manière toutes les femmes.

Les types d'outils théoriques dont on dispose pour penser le genre en lien avec les autres rapports de pouvoir :

1. le renouvellement du féminisme matérialiste :

 … en particulier au travers d’une analyse de la division du travail de reproduction entre les femmes elles-mêmes. Pour que certaines femmes puissent développer une éthique du care (de la compassion, du souci de l’autre, etc.), il faut que d’autres s’occupent de torcher les gosses. Si toutes les femmes sont davantage que les hommes assignées au travail de reproduction, certaines le sont plus que d’autres, et certaines sont assignées aux travaux les plus pénibles / sales / avilissants. Lesquelles ? bé, les non-blanches. (voir Heidi Hartmann)


"cette « surassignation » [des femmes appartenant aux minorités racialisées aux travaux domestiques les plus socialement dévalorisés] les exclut paradoxalement de la norme dominante de la féminité : racialisées, elles sont bien la condition matérielle de la production d’une norme de féminité (et de ses prérogatives morales), dévolue aux soins et au souci d’autrui, dont elles ne tirent pourtant pas les bénéfices symboliques." (p.9)

 2. l’intersectionnalité :

Le concept d'intersectionnalité est élaboré par Kimberlé Crenshaw à la fin des années 1980. Il s'agit pour elle de trouver des outils pour critiquer le droit et les politiques publiques de luttes contre les discriminations : le droit crée des catégories rigides et univoques comme « la race » ou « le sexe » au regard desquelles on peut être discriminé (et porter plainte) ; ces catégories sont pensées séparément, et ne peuvent, le cas échéant, que s'ajouter, de manière arithmétique (la classe + le « sexe » + « la race »...) Or, l'expérience que font, par exemple, les femmes noires du racisme et du sexisme ne peut être décrite en termes additionnels : les discriminations et la domination qu'elles vivent au quotidien ne sont pas faites d'une couche de sexisme « pur » à laquelle vient se superposer une couche de racisme « pur » ; il s'agit bien d'une expérience de nature différente de celle des femmes blanches et des hommes noirs.

Elsa Dorlin insiste sur le fait que ce concept d' « intersectionnalité » a été forgé dans un contexte bien précis (celui des études critiques du droit). (Comment penser l'imbrication des discriminations quand le droit oblige à les penser de façon additive ? Ne peut-on pas construire de nouvelles catégories de droit ? Comment faire pour que la lutte contre la violence faite aux femmes noires ne produise pas des effets racistes ?) Il n'est pas certain que ce concept fonctionne en dehors du champ de la critique du droit : E. Dorlin invite à prendre garde aux usages abusifs de cet outil théorique.

 

(Zà suivre, les deux autres et derniers courants décortiqués... whiteness studies & féminisme post-colonial....)

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