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1 mars 2010 1 01 /03 /mars /2010 10:03

"Ensuite ensuite… j’ai pas trop envie de citer ou de disséquer. Juste, elle écrit des trucs stupides, qui me fatiguent. De tas de constatations fondées sur l’observation de jeunes enfants en école maternelle (principalement, le fait qu’ils forment des groupes de même sexe pour jouer), elle induit que « [le dualisme sexuel] est une donnée élémentaire de la conscience identitaire de l’enfant ».

 

 Donnée élémentaire.

 

J’ai effectué des stages, puis travaillé à plein temps pendant sept mois dans deux écoles maternelles de Marseille, avec des enfants de quatre classes différentes, de deux ans, trois ans, quatre ans et cinq ans. Je les ai entendus discuter entre eux, je leur ai lu des histoires, je les ai regardés jouer dans la classe et dans la cour de récréation. Ils m’ont raconté leurs peines et leurs joies, leurs peurs, leurs découvertes, leur quotidien.

Et je peux vous dire, moi (des milliers et des milliers d’autres personnes sont là derrière moi pour confirmer mes dire, parents, puéricultrices, institutrices, agents de service d’école maternelle, pédiatres, éducateurs, etc.) que des enfants de trois ans, pas plus que ceux de deux ans ou même de un an ne sont pas des animaux sauvages non encore socialisés et façonnés par la nature, ne sont pas des idéaux types de l’être humain naturel hors influence de la société.

A deux ans ils connaissent des tas d’histoires, regardent la télé, racontent ce qu’ils ont vu ou fait avec leurs amis et les membres de leur famille ; ils ont en tête des schémas très élaborés de rôles sociaux féminin et masculin, et ces schémas ne résultent pas de structures spéciales du cerveau à la naissance, d’une case « homme et femme » sur le chromosome 14, du XX ou du XY si chers à E.B..

 

Prendre pour objet des enfants de quatre ans et demi (p.99), pas plus que de un à six ans (p.100), cela n’a jamais signifié travailler sur des matériaux « naturels » ou « a-sociaux » et atteindre l’universel ou l’essence de l’Humain. Le penser, c’est être stupide rien de plus.


Attention, rigueur et démonstration logique.

 

 « Les différences constatées entre groupes de garçons et groupes de filles tiendraient à trois facteurs principaux : la socialisation de l’enfant selon son sexe dès la naissance (mais elle est très différente d’un parent à l’autre, d’une famille à l’autre) ; les facteurs biologiques, enfin les facteurs cognitifs encore mal connus » (p.101).

 

Super, du scientisme-biologisme-essentialisme-naturalisme, des trucs-on-sait-pas-trop-ce-que-c’est-mais-ça-marche-magique, et la socialisation, mais ça, ça la convainc pas trop, parce que :  « elle est très différente d’un parent à l’autre, d’une famille à l’autre ».


Madame B. n’a pas compris que la socialisation ne se faisait pas que par papa-maman et les frères et sœurs, mais que bébé naît dans une société avec des autres gens dedans, une société avec une culture, des institutions, des valeurs, une langue, des significations symboliques ; et elle nage dans le fantasme de « mais on est tous différents quand même » - donc on peut pas dire qu’on est socialisés hein pasqu’on est tous riches de nos différences alors…

 

E.B. cite le gars qui l’a inspirée dans son raisonnement miteux de tout à l’heure, et je retrouve ce bouquin dont le titre nous a tellement fait rire : « Père manquant, fils manqué » ; l’agréable auteur du dit bouquin, Guy Corneau, intellectuel manqué (son père devait être manquant), déclare : « [par opposition à] la femme qui est, l’homme, lui, doit être fait. En d’autres mots, les menstruations, qui ouvrent à l’adolescente la possibilité d’avoir des enfants, fondent son identité féminine ; il s’agit d’une initiation naturelle qui la fait passer de l’état de fille à l’état de femme ; par contre, chez l’homme un processus éducatif doit prendre la relève de la nature ».


Un véritable manifeste du sexisme.

J’hallucine grave. Je ne suis donc une femme que parce que je peux avoir des enfants. Mon identité est bornée par le fait d’être un ventre. Je vais me faire engrosser et procréer, telle est ma raison d’être et le fondement de mon identité. Identité qui est en continuité avec la nature. Je suis un corps, une terre fertile. J’ai juste à être pour exister, je suis une femme, je ne m’empare pas de mon identité, de mon existence, je n’ai pas à me construire, je n’ai pas de prise sur moi-même, juste, je suis. Je suis dans l’immanence, immergée dans ma féminité, dont je ne peux pas me saisir, puisque je le suis. Pas de recul, pas de pensée, rien à faire de plus qu’être une femme. L’homme lui, doit être éduqué. Il est du côté de la culture, de la construction, du savoir, du détachement.

 

 

Question : comment E.B. fait-elle pour lire des choses pareilles sans se départir de son paisible calme compréhensif de femme en paix avec son vagin immanent ?"

 

Voilà, fin du texte que j'avais écrit à l'époque, en lisant le début de "X Y, de l'identité masculine".

J'espère ne pas vous avoir gonflé.e.s avec, mais en retombant dessus, l'autre jour, j'ai eu envie de faire partager... Simplement parce que Badinter passe pour le grand public et dans les médias pour "une féministe" - quand ce qu'elle écrit / dit est tellement poisseux.

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commentaires

G
<br /> si si je comprends bcp mieux là, merci de ton explication!<br /> Bon hé bien, décidément, y'a rien pour me faire aimer Elisabeth Badinter...t'as entendu ces propos concernant l'opposition qu'elle fait entre niqab/voile et jupe, avec les premiers éléments comme<br /> preuve de barbarie et soumission des femmes par opposition à la jupe sensée être un symbole d'émancipation, sans JAMAIS qu'elle ne questionne son point de vue occidental induisant une certaine<br /> norme de féminité, et que la jupe signifie à l'origine tout autre chose que l'émancipation, mais bien la disponibilité sexuelle par exemple ???<br /> <br /> Moi ça m'énerve d'entendre des gens nous expliquer quotidiennement ce qu'est le vrai féminisme, la vraie émancipation, la vraie féminité libérée. Ces imbéciles (je suis en colère) ne voient jamais<br /> que la question de la libération n'est pas de savoir quelle féminité adopter mais bel et bien de SORTIR du féminin en détruisant ce binarisme de merde masculin/féminin !! grrrrrrrrrr<br /> <br /> Là ce que Badinter propose, c'est juste le modèle de féminité à l'occidental, comme soit disant preuve d'émancipation. Pfff nul. Elle ferait bien de constater que la norme de féminité qu'elle<br /> véhicule est la même que celle des pornos hétéros et soit disant lesbiens (qui en fait sont pr mâles hétéros) où me semble-t-il, les femmes sont de véritables objets sexuels. Sans niqab.<br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> je suis TOTALEMENT d'accord avec toi ! :)<br /> <br /> <br /> <br />
G
<br /> Re coucou !<br /> j'ai lu ton dernier article sur Badinter et j'avoue que je n'ai aps trop compris où c'est elle qui parlait dans ce que tu écris. Peux-tu juste expliciter stp. (si j'ai bien compris tu as lu un<br /> bouquin où elle reprenait des thèses sexistes ??)<br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Salut ! effectivement tu as raison, c'est pas hyper clair mon machin... ;p<br /> <br /> <br /> il s'agit d'un bouquin que Badinter a publié en 1986 (qui date, donc, mais c'est l'un de ses best-sellers), sur "l'identité masculine", avec pour thèse principale "l'identité masculine est en<br /> crise, les hommes souffrent et sont fragiles, et encore plus avec le féminisme" (elle ne dit pas pour autant que le féminisme est une mauvaise chose).<br /> <br /> <br /> En fait ce bouquin est intéressant parce qu'elle cite et mentionne énormément de choses différentes, des romans, beaucoup de bouquins et de thèses diverses, en psychologie (surtout), mais aussi<br /> en anthropologie, en biologie, en sociologie, en histoire, etc. Donc tu peux piocher plein de références et de petites idées.<br /> <br /> <br /> Mais le gros gros problème de ce livre est... ce qu'elle fait de ces références. Elle les utilise sans aucun recul critique, comme des "preuves" ; ces références sont de nature très<br /> différente (du truc de chercheur / chercheuse reconnu.e au bouquin de l'essayiste à deux balles), + de bords idéologiques très variés, elle mélange tout.<br /> <br /> <br /> Elle fait finalement une grosse bouillie de biologie naturaliste et de sciences sociales, avec la psychologie comme vinaigrette.<br /> <br /> <br /> (Je ne l'ai pas lu en entier hein, je l'ai juste parcouru..)<br /> <br /> <br /> Pour résumer, elle écrit des pages et des pages (citations de toutes sortes, exemples, "preuves"...) sur le thème "c'est plus difficile d'être un homme que d'être une femme" (qui est un pan de<br /> l'idéologie du genre - les femmes ya rien de spécial à faire, c'est la nature...), mais au lieu de comprendre la signification de ça, elle le prend pour argent comptant, et elle nous<br /> explique dans tout son bouquin pourquoi c'est trop dur pour les hommes, les pauvres, ils sont fragiles, etc. (y compris avec des considérations débiles sur la biologie, le chromosome, blablabla).<br /> <br /> <br /> Et puis aussi elle croit dur comme fer dans l'existence de deux sexes bien séparé, qui existent dans la nature.<br /> <br /> <br /> Et ya plein de conneries sur le rapprochement femme / passivité...<br /> <br /> <br /> La citation que je mentionne dans mon post, en fait, c'est page 108 de l'édition poche ; Guy Corneau c'est un psy bouseux qui écrit des best-sellers de vulgarisation psychologique ; et oui, dans<br /> ce passage, Badinter reprend à son compte ses propos.<br /> <br /> <br /> Je sais pas si c'est plus clair... ? désolée !!!<br /> <br /> <br /> <br />

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