J'ai eu envie de lire des romans pour enfants / adolescent.e.s avec des personnages homosexuel(le)s.
Je me suis plongée dans les bibliographies jeunesse proposées par le point G de la BM de Lyon.
J'ai trouvé et lu un article très intéressant de Christelle Lefebvre sur le site de Lille III Jeunesse avec une bibliographie bien sympa.
J'ai également fait un peu de lèche-vitrine du côté des Isidor et de la sélection jeunesse HomoEdu / altersexualité.com.
Et j'ai papillonné dans les rayonnages de mon taff pour piocher quelques romans. (L'occasion de constater notre gay&lesbian pauvreté.)
J'ai tout de même trouvé quelques livres à me mettre sous la dent.
Dans l'article mentionné plus haut Christelle Lefebvre décrit une évolution positive dans la façon dont sont traités les personnages gays et lesbiens des fictions pour la jeunesse.
Dans la majorité des romans ados des années 1980, les amours homosexuelles sont suggérées, apparaissant plutôt sous la forme de fortes amitiés, de fascinations / attirances sans que soit jamais clairement exprimée la nature amoureuse du lien. Les personnages explicitement présentés comme homosexuels sont masculins pour les filles, efféminés pour les garçons, ce qui alimente une vision trop simple et trop étroite, faisant coïncider l'homosexualité avec la déviance de genre (il existe en effet des garçons homosexuels « efféminés » (qui s'écartent de diverses façons du modèle normatif masculin), mais aussi des garçons homosexuels virils, et des garçons « efféminés » hétérosexuels... En outre, présenter les homosexuel.le.s comme systématiquement particuliers, pas comme nous (et repérables), c'est éloigner de nous l'éventualité que l'on tombe amoureux/euse d'une personne de même sexe... Cela ne nous concerne pas).
Et surtout (c'est moi qui dit surtout), ces personnages sont très souvent rejetés, mal dans leur peau, malheureux/malheureuses. Le summum de ce qu'ils peuvent obtenir, c'est qu'on ne les rejette « pas trop », qu'on soit tolérants, gentils avec eux (avec leur « différence »...)
« En bref, une image de l’homosexualité qui ne donne pas envie d’être vécue pour un adolescent », écrit Christelle Lefebvre. Les choses changent dans les années 1990 ; C.L. cite plusieurs romans dans lesquels la relation amoureuse homosexuelle est véritablement heureuse (Les lettres de mon petit frère de Chris Donner, J'ai pas sommeil de Cédric Erard, Macaron citron de Claire Mazard).
Je serais tout de même un petit peu plus pessimiste qu'elle dans sa conclusion quant à la place de l'homosexualité dans la littérature pour ados (et enfants).
Parce que :
- on a beau dire, cette place est et reste rikiki ;
- elle est occupée majoritairement par des garçons, les lesbiennes ici comme ailleurs étant assez largement invisibles ;
- les romans qu'elle cite pour les années 1990 & suite, qui relatent des amours homosexuelles heureuses, se comptent sur les doigts d'un seul pied.
Et puis... les récits d'amours consommés, vécus, de premier plan, que la lectrice ou le lecteur peut vivre par procuration (avec les yeux exorbités et les mains moites) sont plus rares encore - se comptent sur les doigts d'un demi-pied.
V'là la critique des Lettres de mon petit frère (par exemple), que Christelle Lefebvre & Lionel Labosse d'altersexualité .com célèbrent (et je comprends malgré tout pourquoi !) : Mathieu le petit frère écrit à son grand frère homo, un personnage positif, qui finit par être accepté avec son boyfriend (happy end) ; mais on peut lire sous la plume de Lionel Labosse : "Il y a quand même Sophie, une fille que Mathieu rencontre à la pharmacie, et qui fournit l’inévitable amour de vacances nécessaire au frisson du jeune lecteur". Mais le jeune lecteur peut vouloir frissonner sur autre chose que des hétérotrucs, sacrebleu !!! Pff... frissonner altersexuellement, voilà le défi...
Au final, ça me fout en colère - merde, on doit pouvoir trouver quand on est ado des livres avec des histoires d'amour homo qui se passent bien, des récits de filles entre elles et de garçons entre eux qui peuvent foutre des coups de chaud tout pareil, le rouge aux joues, les palpitations, les doigts des mains moites, pareil que ces pelletées de romans à histoires hétéro qui inondent nos rayonnages ; je revendique le droit pour les ados de se plonger le nez dans des romans sans renoncement, sans frustration, sans abandon, sans implicite, sans demi-mot... le droit de fantasmer à bloc dans nos romans, que ça SE FINISSE, et que ça SE FINISSE BIEN !!!
OUI AUX SCENES D'AMOUR HOMO DANS LES ROMANS POUR ADOS !!!
[ D'autres infos et ressources : sur le site d'Adéquations (tout plein de bibliographies & outils), sur le site de Mix-Cité ici et aussi là, et un peu de pub pour les éditions Talents Hauts qui se sont spécialisés dans les livres pour enfants contre le sexisme (la classe). ]
*edit* : un super article là !