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15 novembre 2010 1 15 /11 /novembre /2010 07:40

En réalité, on pourrait continuer. D'article en article, la méduse déploierait lentement tous ses filaments sur chaque jour de Pas un jour. On pourrait effeuiller le roman de Garréta tout entier. Creuser un puits dans chaque chapitre, et tirer de chaque histoire un nouveau grand papillon du désir et de la sexualité. On piquerait les douze Collection.jpgpapillons sur une toile, qu'on mettrait sous verre ; on obtiendrait un magnifique panorama du désir, une cartographie de la sexualité, douze spécimens hauts en couleurs de cette espèce aux multiples ramifications qu'est l'érotisme.

 

Car ce n'est pas le portait d'un personnage que dessine chapitre après chapitre Garréta dans son livre. C'est le portrait – cubiste – du désir. Dans chaque histoire prend forme une figure du désir : l'une des postures possibles à l'intérieur du genre et de la sexualité. Une configuration, possible parmi d'autres, parmi une myriade.

 

Ce roman nous ouvre une collection. On n'apprend finalement pas grand chose sur la narratrice, ou ce n'est pas ça qui compte : on apprend des choses sur le désir.


Pas le désir abstrait, mais le désir incarné dans une série de personnages vivants.

 

On aurait pu se pencher davantage sur l'histoire de C*, cette véritable radiographie du désir montant, envahissant la conscience, paralysant peu à peu tout le corps ; et comme me l'a suggéré l'homme rayé, comparer cette scène à la description d'un désir masculin tout aussi impératif sous la plume de Richard Wright (dans Native Son) : le désir masculin y est présenté comme une force poussant à l'action, qui demande à être expulsée, tandis que le désir féminin, ici, pétrifie.

 

J'aurais voulu évoquer l'histoire de H*, car c'est l'une de celles qui m'a le plus plu – peut-être parce que Garréta projette la lumière (ici comme dans d'autres chapitres) sur la part inévitable de jeu dans la construction des interactions :

« Tu l'invitas, comme il se doit, à te rejoindre [...], lui offris le haut tabouret de bar […] et lui commandas, sur ton contingent, un verre. » (p.66)

« Si tu avais bien lu la scène, elle te faisait l'Ange bleu, et autres drames de femme fatale ou fatalement frappée d'un coup de foudre. Il te semblait que la didascalie suivante indiquait quelque chose comme : le héros (gentleman, voyou ou jeune Professor Unrat) allume la cigarette de l'héroïne. Ce que tu ne manquas pas de faire […]. » (p.67)

 

Évoquer aussi ce passage de l'histoire de N*, qui a trait à la socialisation (au dressage ?) des filles et des femmes :

« Il t'en reste le souvenir des hommes qui se retournent sur votre passage, de ceux qui sifflent et de ton abasourdissement à tel spectacle. Et même de ton indignation. Si tu étais elle (mais évidemment, tu n'es pas elle), au lieu de subir pareil déferlement de grossièreté, tu ne te retiendrais pas d'aller claquer la gueule, une bonne fois pour toutes, de ces crétins. Manifestement, tu n'as pas l'habitude de causer des émeutes dans les rues. » (p.109)

On ne sait pas si l'on doit croire la narratrice ou non ; toutes les femmes savent qu'il n'est nullement besoin d'être un canon pour se faire siffler (ou autre) dans l'espace public. Cette séquence nous montre toutefois deux personnages aux présentations différentes, qui se confrontent de ce fait à des expériences différentes (qui sont donc construites comme femmes de façon différente – puisque c'est aussi ce harcèlement / rappel à l'ordre quotidien qui fabrique des femmes). En retour, la réaction des deux personnages à cette interpellation des hommes diverge – tandis que l'une, souple, s'y plie (sans que l'on sache d'ailleurs ce qu'elle ressent), l'autre, dure, veut faire face, et leur « claquer la gueule une bonne fois pour toutes ».

Cette dernière expression est un indice de plus de l'assurance qui semble caractériser la narratrice, dans presque toutes les situations du roman. Elle paraît n'avoir jamais été confrontée au danger, à l'humiliation, à la crainte à laquelle sa double position de minoritaire (femme et homosexuelle) l'expose pourtant.

La narratrice est un personnage fort.

  Nan Goldin 1985

Est-cela qui faisait écrire à Anne Simon qu'elle était « de genre masculin » ?

Pour Monique Wittig, la disparition des femmes est le but du féminisme. Il semble bien que la narratrice inventée par Anne Garréta soit une figure de la disparition.

 

Une femme disparue, hors de la cage, au milieu d'une ronde où dansent douze autres femmes, à différents stades de la disparition ou de l'incarnation, peut-être .

 

J'ai décidément bien aimé nager la brasse coulée dans Pas un jour.

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11 novembre 2010 4 11 /11 /novembre /2010 07:14

  Parmi les 12 histoires rassemblées dans le roman, deux présentent une configuration nettement asymétrique. Il s'agit des deux récits mettant en scène une femme explicitement hétérosexuelle (et pour laquelle, chaque fois, l'hétérosexualité apparaît comme centrale, structurante, dans l'agencement de son désir, de son plaisir, dans les scénarios sexuels et de séduction qu'elle privilégie – quoique de façon fort différente dans les deux chapitres).

 

Dans la quatrième histoire E* est présentée comme une femme mariée, avec enfants, parfaitement socialisée en femme (« toutes ses manières, jusqu'à celle de s'asseoir, sont d'une parfaite féminité » pp.53-54). Dès les premières interactions, l'asymétrie est là, car E* se sent blessée par les propos de la narratrice. Elle tente de se justifier, et pour lui faire baisser les armes et obtenir sa reconnaissance, elle cherche à lui plaire. La narratrice obtempère et se montre moins « [sauvage] », plus « [douce] » et « attentionnée » (p.56). Il me semble que l'on retrouve ici des rôles typiquement féminin et masculin de l'échange hétérosexuel (quand la femme, pour exister aux yeux de l'autre, cherche à plaire et se faire aimer, et que l'homme, en position de force, l'entoure ensuite d'attentions).

poupee.jpgCette configuration nettement polarisée, installée dès les premiers instants de la relation, perdure jusqu'à la fin. C'est E* qui laisse flotter une possibilité d'étreinte dans l'air, la narratrice qui s'en saisit (« tu la vois hésiter […]. Saisissant l'invitation, tu l'enlaces. » (p.57)).

La scène de sexe s'organise autour d'une parfaite distribution des rôles. E* est présentée comme absolument passive, « une poupée mécanique » (p.60). Elle se laisse manipuler à loisir, elle n'est plus là : « Elle s'était comme absentée de son propre corps qu'elle te laissait et qui à tes sollicitations, investigations réagissait sensiblement mais comme automatiquement. » (p.60) (c'est moi qui souligne).

L'aspect paradigmatique de ce scénario amoureux et sexuel, qui le fait ressembler à un modèle ou une caricature de l'échange hétéro, n'échappe pas à la narratrice, qui écrit « C'est une scène de très mauvais roman ou de mauvais film, et tu la savoures en mécanicienne professionnelle. On dirait une parodie. » (p.58).

(D'autres références aux jeux de rôles, au théâtre, à des « personnages » et des scénarios huilés émaillent le roman, confirmant ce que je pressens quand je cherche à voir dans cette série d'histoires une collection de figures ou de postures types.)

 

L'histoire de D* est bien différente. Cette femme « typiquement désirable » (p.45) va au devant de la narratrice et, autrement plus assurée et séductrice que E*, lui manifeste son désir. En suit une liaison rapportée dans les deux dernières pages du chapitre, et que Garréta (au travers de la narratrice) désigne comme « strictement hétérosexuelle ». Que veut-elle signifier par là ? En quoi la relation nouée durant ces trois jours entre D* et la narratrice – c'est-à-dire entre deux femmes – peut-elle être dite hétérosexuelle ? Cette remarque (qui clôt l'histoire, p.47) me semble d'un très grand intérêt : la qualification d'homo- ou hétérosexuelle, semble écrire Anne Garréta, n'a pas seulement à voir avec le sexe des personnes impliquées dans la relation, mais aussi avec la structure de la relation elle-même : la façon dont s'organisent le désir et le plaisir, dont ils s'articulent avec le pouvoir, les « scripts sexuels » que l'on mobilise (pour reprendre l'expression de John Gagnon et William Simon, que Natacha Chetcuti utilise dans son livre).

 

J'essaie de relire le passage dans lequel la narratrice décrit leurs rapports sexuels en cherchant des indices de ce qui fait, à ses yeux, de cette histoire une relation hétéro :

- D* exige d'elle des prouesses, une véritable performance sexuelle. Garréta utilise le champ sémantique du sport (« exercices », « gymnastique », « athlète », « marathon », p.45), et insiste sur le rythme effréné imposé par son amante, sans repos, sans temps mort.

- Les performances sexuelles de la narratrice ont pour but de prouver à son amante qu'elle est désirable.

- Les actes sexuels sont en permanence désignés par des verbes transitifs directs, dont la narratrice est le sujet et D* l'objet : l'acte sexuel est ainsi parfaitement polarisé autour d'un personnage actif et un personnage passif (« tu la baises », « tu la foutes », « tu la sodomises », « tu la fasses jouir »... pp.45-46).

- D* cherche à faire jouer à la narratrice le jeu de la violence et de la domination. Elle réclame, semble-t-il, d'être en permanence bousculée et manipulée comme un objet, et dans la série de verbes qu'utilise l'auteure, qui reflètent les insatiables demandes de D*, on peut lire « [il était impératif], sous peine de la peiner, que tu la violes sur la table de la cuisine » (p.45). Et plus loin : « que tu la traites comme une pute. (Et là ta perplexité devint illimitée : comment est-on censé traiter les putes ? Mal, apparemment. En objet, spéculais-tu. Ce qui, pratiquement, ne t'avançait pas beaucoup Car tu essayais, mais manifestement échouais » (p.46).

 

Si la relation est hétérosexuelle, la narratrice joue vraisemblablement le rôle de l'homme (actif, performant, devant sextoy.jpgprouver sa vitalité et sa puissance physique dans l'acte sexuel, en position (réelle ou symbolique) de domination vis-à-vis de la femme).

Mais la narratrice n'est pas un homme jusqu'au bout. Elle est peut-être, pour D*, l'homme idéal, qui ne saurait exister dans la réalité : l'homme qui tout en adoptant cette série de postures, accepterait d'être son instrument. Car c'est sans doute le mot clé de cette histoire, qui apparaît quelques lignes avant la fin : « D* avait pris un amant et avait eu le génie de choisir pour en remplir le rôle, une femme. Mais ce qu'elle eût peut-être craint – ou rencontré quelque difficulté à – obtenir de lui, elle ne risquait rien à en faire d'une femme – dont elle s'arrangeait pour ne pas remarquer qu'elle en était une – l'instrument. La relation demeurait donc strictement hétérosexuelle. » (p.47)

 

La relation hétérosexuelle, pour Garréta, est une relation instrumentale.

(Le corps (et la conscience) de l'autre sont des instruments au service de son propre plaisir.)

La réciprocité et l'échange sont évacués.

 

A cette polarisation instrumentale répond une phrase, dans la deuxième histoire (strictement homosexuelle ?...), dévoilant les étapes de la naissance et de la montée du désir : « Une lecture que vous aviez faite ensemble et où il t'avait semblé qu'en toi elle s'aventurait et qu'en elle elle s'offrait à te laisser pénétrer. » (p.29). Garréta a ici recours à la métaphore de la pénétration – une pénétration totalement réciproque.

Tout cela me fait penser à Natacha...

Je cite la préface de Michel Bozon : « Le script lesbien définit un paysage des pratiques et une vision du plaisir spécifiques, qui découlent eux-mêmes d'un certain type de rapports entre partenaires. […] En raison de l'interchangeabilité des rôles, la pénétration n'est […] pas liée à une division de genre stricte, comme chez les hétérosexuelles, et le script sexuel peut être totalement réécrit en fonction de la partenaire. » (p.12)

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8 novembre 2010 1 08 /11 /novembre /2010 07:52

  Le personnage (l'ombre, la doublure...) d'Anne Garréta compare sa situation à celle de Don Juan dans l'Ante Scriptum de Pas un jour (p.11), et plus loin à celle de Tristan (p.31, histoire de C*), deux hommes qui incarnent une certaine position dans le jeu de l'amour et du désir.

 

Au-delà du fait que dans ces deux schémas de séduction, elle se range du côté de l'homme, que signifient ces allusions ? En quoi se comporte-t-elle comme un Don Juan, comme un Tristan ?

don-juan.jpgDon Juan, hédoniste, cynique, orgueilleux, manipulateur, mais surtout – c'est cela que l'on retient dans le langage courant, grand séducteur de femmes en série, collectionneur de conquêtes amoureuses. Tristan, amoureux transi, mais aussi séduit malgré lui, ensorcelé par un pouvoir qui lui échappe.

 

Du côté du Don Juan, le goût de la conquête, mis en récit dans l'une des histoires, mais bien vite ridiculisé.

Pour le personnage forgé par Garréta, parvenir à séduire des femmes peut être le moyen d'assouvir une forme d'orgueil, de vanité. L'objet de la séduction est rendu précieux par autrui : tout comme le marché fixe le prix de la pépite d'or, une femme est d'autant plus désirable à ses yeux qu'un grand nombre de personnes la juge désirable : « D* était une femme typiquement désirable, tu le voyais dans et par les yeux des autres, tu te jetas les yeux fermés dans l'aventure. » (p.45, histoire de D*)

Par ailleurs, essentiellement dans la neuvième histoire (histoire de N*), Garréta utilise le champ lexical de la conquête pour évoquer la séduction : « elle se rendit à tes désirs », « tu as cru emporter N* », « tu croyais faire le siège d'une forteresse »(p.108), et, plus loin : « ton aventure avec elle te fit le même effet que tes lauriers scolaires. Un triomphe de la volonté, un prix d'excellence arraché de vive lutte dans la compétition féroce du libertinage. » (On retrouve des références à ce champ sémantique dans d'autres récits, dans l'histoire de C* par exemple : « victoire », « défaite » pp.31-32).

Elle se réfère p.108 au roman épistolaire de Choderlos de Laclos, dans lequel Valmont tisse sa toile comme une araignée autour de madame de Tourvel, la traque, comme le cerf de la chasse à cour, pour la faire chuter – et c'est bien au vicomte qu'elle s'identifie alors.

 

Pourtant, les victoires éventuelles de la narratrice ont un goût amer.

D'abord, parce que cette posture d'orgueil et de conquête se brise comme la plus fragile des armes, laissant voir sa parfaite vulnérabilité, et sa maladresse :

« And then what ? Il ne servait de rien pour dompter ta panique de te dire que le monde entier aurait sans doute bien voulu se trouver à ta place. Il ne servait de rien non plus pour vaincre ta paralysie de fouetter ton orgueil et envisager l'exercice comme une épreuve de concours où il s'agit non seulement de bien faire mais d'exceller, et l'emporter sur le monde entier. » (p.111)

L'esprit de compétition, la vanité ne sont d'aucun secours ; bien plus : le jugement rétrospectif que porte la narratrice sur son attitude est très dur : à la tendresse et à la douceur de sa jeune amante, elle oppose sa « jeune vanité » (p.108), son « infernal orgueil et [son] libertinage de misère » (p.111), son « [imbécilité] » (p.111).

Piètre Don Juan, donc ; ou plutôt : piètre référence que Don Juan pour la jouissance et le désir.

 

Un autre aspect, et de taille, la distingue de Don Juan. Certes, dans ce roman la narratrice déroule sa collection d'histoires de cœur : elle a au moins 12 petits récits à nous faire. Et pourtant : presque jamais, dans ces récits, on ne la voit séduire ! C'est un peu comme si ça lui tombait toujours tout cuit dessus, qu'elle découvrait avec effarement qu'elle plaisait à une telle...

Dans quatre histoires, a-t-on dit, c'est elle qui désire, et dans cinq, six ou sept (davantage, donc), elle est désirée. Parmi les quatre récits dans lesquels elle désire une femme, il n'y en a qu'un où il est fait clairement mention d'une démarche pour la conquérir : la neuvième histoire que l'on a évoquée plus haut, où elle fait figure d'imbécile.

 

De la même façon, peu de stratégies sont élaborées en face. Dans l'un des récits cependant il est fait tristan_iseut.jpgexplicitement allusion à un « pouvoir de séduction » : « C* avait cet art des femmes séductrices : l'intuition quasi infaillible de la faille par où dans l'autre le désir s'insinuera. […] Qu'est-ce que son désir a donc diaboliquement discerné de fracture dans l'ordonnancement de tes résistances et de tes pulsions pour si subtilement venir y verser le philtre qui dissout distance, répulsion, défiance, ironie, possession de soi ? Comment, d'où savent-elles ? » (p.31, histoire de C*).

La narratrice, elle, ne sait pas faire. Comme telle, elle fait figure de Tristan : jouet passif aux mains d'une Circé armée de philtres magiques... (« Et quel Tristan fais-tu, mélancolique et envoûtée […] ? » (p.31).)

 

Qu'est-ce donc qui séduit la narratrice chez ces femmes qu'elle fait revivre dans le roman ? Parfois, on l'a vu, le prix que leur confère le regard des autres : elle veut posséder ce que tout le monde désire, et ainsi acquérir une forme de pouvoir, ou tout du moins satisfaire son orgueil. « N* était ce que tout le monde s'accorde à considérer une très belle femme. Tout, et jusqu'à l'austère clergé, soupirait après elle. Un canon. » (p.107, histoire de N*).

Souvent, le simple fait d'apprendre le désir de l'autre éveille un désir réciproque : « elle eut, alors que vous ne vous voyiez jamais qu'en public, la subtilité de te manifester très discrètement, mais très indubitablement, son désir. Et tu l'admets, cela seul suffit à te troubler. » (p.41, histoire de D*).

Elle évoque également « la secrète captation des signes », « le vertige de cette communication ésotérique du plaisir » (p.43, D*) , qui jouent un rôle central dans l'introduction au sein du champ érotique. Dans trois autres récits, il est fait respectivement allusion à l'esprit (« rien ne te séduit plus chez une femme […] que certaines formes aiguës de l'intelligence, une manière de mettre cette intelligence en jeu, une liberté de mouvement dans le discours, un oubli de soi à la poursuite d'un plaisir de penser, de comprendre » (p.20, histoire de B*)), à une forme de vulnérabilité (« quelque chose dans ses paroles qui t'aurait attendrie, une vulnérabilité découverte... […] Comme si elle abandonnait enfin quelque chose à ta merci, à ta discrétion » (p.28, histoire de C*)), et enfin, pour une seule histoire, l'objet de son désir la domine et l'émerveille (sixième histoire, I).

 

A l'inverse, qu'est-ce qui, chez elle, séduit ces femmes ?

Souvent, on ne le sait pas.

Dans la quatrième histoire, E* pense être méprisée de la narratrice, s'en sent blessée, et cherche ensuite à obtenir sa reconnaissance. « Il te vient à l'idée qu'à défaut d'autre chose, elle cherche à te séduire. Que le désir serait la forme ultime ou in extremis de la reconnaissance qu'elle a le sentiment sans doute que tu lui as refusée. » (p.55) C'est l'aplomb, l'assurance (un peu je-m'en-foustiste) de la narratrice, et le peu d'égard qu'elle semble lui avoir manifesté qui lui attache E* - et la suite de leur relation se fondra dans cette asymétrie.

L'histoire avec l'enfant est évidemment aussi marquée par une asymétrie. La narratrice rassure la petite fille, et lui accorde l'attention dont les autres la privent.

Dans la cinquième histoire, enfin, on peut avancer que ce qui plaît à H* est tout à la fois les mille attentions dont la narratrice l'entoure, et sa façon de parfaitement jouer le jeu dont elle établit les règles – toutes deux deviennent complices d'un théâtre érotique source de connivence et de plaisir.

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7 novembre 2010 7 07 /11 /novembre /2010 09:02

Un petit aperçu des 12 histoires que rassemble Pas un jour.

(Dans la suite de mes textes, je désignerai les récits par leur lettre (B*, D*...), qui donne aux chapitres leurs titres, et par lesquelles Anne Garréta désigne les différentes femmes du roman.)

 

Un. B* Désir, tenu secret, peut-être réciproque ; hésitations, scènes imaginées, ça n'aboutira pas.

Deux. C* Envahissement puissant du désir. Cette femme ne lui plaît pas, mais elle a réussi à la séduire ; la narratrice tente de résister, de s'opposer à la montée de son désir, mais c'est en vain.

Trois. D* Une femme hétérosexuelle l'utilise, dans une configuration finalement purement hétérosexuelle, comme l'instrument de son plaisir.

Quatre. E* Une femme hétérosexuelle, un peu timorée et craintive, se laisse aller à son désir pour la narratrice, qui fait, un peu éteinte, ce que l'on attend d'elle.

Cinq. H* Jeux de séduction, de galanterie et de théâtre dans une boîte de nuit, entre la narratrice, masculine, et une femme ultra-féminine qui s'avèrera être une trans mtf.

Six. I La femme ici n'est pas une femme, mais une voiture – grâce à laquelle elle sillonne l'immensité des paysages états-uniens.

Sept. K* Une profonde amitié qui se transforme en relation érotique, dont la narratrice réalise que c'était aussi une histoire d'amour.

Huit. L* Une enfant qui s'attache à elle ; la foule qui cancane voit d'un œil mauvais cette relation et l'interprète comme un amour imaginaire de l'enfant pour un « prince charmant ».

Neuf. N* Un amour de jeunesse, raconté sur le mode guerrier de la conquête, mais qui ne révèlera que la vanité et la bêtise de la narratrice, alors bien jeune.

Dix. X La narratrice sait qu'une jeune femme, dans un groupe d'une quinzaine, la désire, mais elle ne saura jamais laquelle ; son imagination travaille.

Onze. Y* Une sorte d'alter ego de l'univers mondain de la littérature

Douze. Z* Deux amantes.

 

(Mwouais, désolée, les deux dernières histoires sont bien pauvrement ramassées ici, mais l'histoire onze m'a gonflée, tandis que dans la douzième le désir et l'attachement m'apparaissent simples, sans arrêtes.)

 

paquerette.jpg

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3 novembre 2010 3 03 /11 /novembre /2010 09:35

  Pour finir ce bref survol du roman Pas un jour (depuis mes yeux), j'aimerais aborder dans les posts suivants le thème de la sexualité et du désir, et tenter de récolter un peu des interrogations, des réponses et des incertitudes qu'Anne Garréta sème dans ce livre à ce sujet.

 

A dire vrai, cette entreprise de moisson a commencé par un amoncellement désordonné de remarques, piquées comme des têtes d'épingles dans tout le texte, partant dans tous les sens, et dont, me reculant de quelques pas pour juger de l'effet d'ensemble, je n'ai d'abord vraiment pas su quoi faire. Alors j'ai cherché, comme on dit, une « problématique », histoire d'enrouler autour de quelque chose la pelote d'idées que j'avais filées.

Ne peut-on pas... se demander ce qui fait, ce qui montre que ce livre sur le désir n'a pas été écrit par un homme, mais par une lesbienne / que la narratrice n'est pas un homme, mais une lesbienne ? Se demander si, dans ce roman, on trouve les signes du fait que les lesbiennes ne sont pas des hommes (pour paraphraser / jouer avec Monique Wittig, et dans la lignée des réflexions d'Anne Simon dans A leur corps défendant) ?

C'est une jolie problématique, je trouve, mais à laquelle je serai bien en peine d'apporter des pistes de réponses. Pour la bonne raison que je ne sais pas trop, moi, à quoi on reconnaît un homme désirant / désiré qui prend la plume. (Un gros boulet sexiste, oui, je repère assez bien – mais juste un homme ?...) On pourrait envisager de constituer un corpus de textes littéraires issus d'hommes auteurs, qui traiteraient du désir et de la sexualité, afin d'identifier des invariants, peut-être, et de les confronter à la mise en récit qu'opère en propre Anne Garréta, mais, heu, en fait, je vais pas le faire, là..........

 

A défaut d'affronter cette magistrale question, donc, je vais me contenter, petitement et à l'échelle d'un modeste mollusque des côtes bretonnes, d'esquisser le portrait du personnage de Garréta sous l'angle du désir et de la sexualité. « Esquisser le portrait », c'est-à-dire tenter de comprendre, à travers ce que nous livre le texte, la configuration particulière de genre et de sexualité qu'incarne ce personnage ; comment elle désire, qui elle désire, pourquoi ; comment elle éprouve, se représente et met en mots ses désirs pour d'autres femmes, comment elle se positionne dans la relation érotique, et en fonction de quels signes ; dans quels rôles elle se fond.

La lecture qu'a faite Anne Simon de Pas un jour s'est concentrée exclusivement sur le personnage de la narratrice, mais à mon sens l'intérêt du roman est tout autant dans les autres personnages qui gravitent autour d'elle, ces onze femmes, dont pas une ne lui ressemble, semble-t-il, avec qui elle noue des relations chaque fois très singulières, et qui figurent onze autres modalités de la subjectivité érotique – onze autres façons d'incarner un genre et une sexualité, de se positionner dans le désir.

J'aimerais donc évoquer également ensuite (et rapidement ) ces personnages, envisagés comme autant de figures possibles du genre et du désir [faudrait inventer un mot qui veuille dire « imbrication singulière et complexe du genre, du désir et de la sexualité, qui, cristallisée, fonctionne comme une partie de la subjectivité » - pasque c'est un peu long sinon à dire à chaque fois... mais est-ce que je me fais comprendre quand j'écris ça ? Ou je raconte juste n'importe quoi ???]

 

Un petit éclairage, avant cela, sur le roman, afin de vous donner une première idée d'ensemble de la façon dont le désir y est abordé.

Le corps du livre rassemble douze histoires, centrées chacune sur une femme différente. Il s'agit pour Garréta de « raconter le souvenir qu' [elle a] d'une femme ou autre qu' [elle a] désirée ou qui [l']a désirée » (pp.11-12) : deux configurations différentes de la relation de désir sont donc envisagées dans l'énoncé des règles. Bien sûr la frontière entre les deux est floue (puisque le désir peut être réciproque), mais j'ai tout de même essayé de ranger chaque récit dans l'une ou l'autre des catégories. Parmi ces douze histoires, on peut dire que pour quatre, c'est davantage ou d'abord elle qui désire, et pour cinq, six ou sept autres (signe de mon incertitude et de mon malaise à classer), elle est d'abord ou davantage désirée.

Dans trois histoires, elle est plutôt en position de domination vis-à-vis de son amante, et dans cinq autres, plutôt en situation d'être dominée (je prends ici comme signes, pour juger de l'asymétrie de la relation, la manifestation d'un désir ou d'un attachement non réciproque ou non proportionné, ou une asymétrie de positions objectivée par l'âge ou le statut).

Dans deux des récits, l'hétérosexualité de la femme qui la désire est centrale dans la façon dont leur relation se déroule ; dans deux autres récits la femme est présumée hétérosexuelle.

Il ne s'agit nullement (comme on pourrait peut-être s'y attendre ?) d'un roman de coucheries...  Il n'y a qu'une véritable description de scène de sexe dans tout le livre (et encore, avec peu de détails) ; dans six histoires la narratrice fait, a fait ou fera effectivement l'amour avec la femme qu'elle évoque, tandis que dans cinq autres le désir (de l'une ou de l'autre) restera inassouvi.

Enfin, on note une absence totale des hommes dans le roman ; ils n'apparaissent qu'en tant qu'ombres au détour de deux / trois phrases, un caissier ici, le mari d'une amante là (juste présent en pensée), ou comme figures auxquelles la narratrice se compare : Tristan, Don Juan, ou une poignée d'écrivains (pp.31, 11, 112).

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31 octobre 2010 7 31 /10 /octobre /2010 07:25

Je continue mon "compte-rendu" de lecture du roman de Garréta, Pas un jour, pour vous causer ici de la présentation de soi de la narratrice : son corps, la façon dont elle le construit et l'habite, la façon dont il est perçu par autrui.

A plusieurs reprises dans le roman, la narratrice nous donne des indices sur son apparence physique et la construction de son corps : elle peut être prise pour un homme.


Butch-2.jpgDans la cinquième histoire qu'elle relate, un personnage s'écrie en la voyant : « qu'il est beau ton disquaire ! ». La narratrice se dit « étonnée du genre de l'exclamation », et explique : « la patronne eut la charité de la détromper sur ton genre » (p.66). Dans la huitième histoire, il est fait mention de « l'ambiguïté de [son] apparence » : « sans aucun doute, disait [la tablée], tu représentais pour l'enfant, et en raison de l'ambiguïté de ton apparence, cette figure du prince charmant que promettent aux petites filles les contes de fées » (p.101). Dans la neuvième histoire enfin la narratrice rapporte un amour de jeunesse avec une camarade de classe ; elle raconte qu'il fut leur difficile de trouver un endroit où s'embrasser sans « causer une émeute », et la petite parenthèse qui suit souligne bien l'importance du regard, qui fait exister les corps comme sexués et genrés : « (Précise, pour l'intelligibilité de ce récit, que tu portais à l'époque les cheveux extrêmement longs.) » (pp.109-110) Si dans la majorité des chapitres, la narratrice peut aisément passer pour un homme, dans celui-ci, son genre est clairement lisible comme féminin pour les passants.

 

D'autres passages du roman nous éclairent sur la construction genrée de son corps. Dans la quatrième histoire, elle mentionne un caleçon – sous-vêtement ordinairement porté par les hommes : « tu étais en caleçon et la brosse à dents en main lorsque le téléphone sonna » (p.53). Quelques lignes plus loin, la narratrice attire notre attention sur les façons d'habiter son corps, et sur la part que prend le genre (en tant que dispositif de dressage des corps) dans cette construction : la femme qui est au cœur de ce court récit « est assise à [sa] gauche […]. Elle se tient sur son bord, resserrée sur elle-même. Toutes ses manières, et jusqu'à celle de s'asseoir, sont d'une parfaite féminité. Ou comment occuper dans l'espace du monde le moins de place possible. » (pp.53-54) A l'opposé de cette hexis corporelle féminine, la narratrice est « calée confortablement au fond du fauteuil, les bras reposant sur les accoudoirs, jambes allongées devant [elle] » (p.53).

Ce chapitre est décidément intéressant du point de vue de la présentation de la narratrice par elle-même, car juste à la suite vient ce passage, dans lequel elle semble se déclarer, se reconnaître « non féminine » (selon une norme ou un ensemble de normes de la féminité (celui, par exemple, qui pousse les femmes à s'asseoir comme des oiseaux perchés à l'extrémité de leur fauteuil)), et le revendiquer : « Quant à la conversation, il te semble qu'elle a commencé par porter sur tes mauvaises manières, sur cette façon pas très féminine que tu as de t'habiller (à preuve le blouson de cuir qui ne te quitte jamais), de te tenir, de parler en te foutant de tout. Cette manière de monter à l'assaut et de dévaster les positions adverses. Choses que tu reconnais bien volontiers, mais dont tu ne t'excuses pas. Ton attitude la choque. Elle te dira plus tard avoir envié cette désinvolture. » (p.54)

 

Sa mise en scène d'elle-même, par ses postures, les vêtements qu'elle porte, sa façon de se couper les cheveuxbutch-is-beautiful.jpg et de les coiffer, sa façon de parler, peut donc être décrite comme « masculine ». Ou plutôt comme ambigüe, androgyne ; son corps n'est pas immédiatement lisible en terme de genre dans l'espace public : il suscite doutes, quiproquo, incertitudes, peut-être malaise. Il y a flottement.

Elle adopte certaines pratiques résolument masculines, comme celle de porter un caleçon plutôt qu'une petite culotte. C'est peut-être un choix purement pratique, de confort (de la même manière qu'on peut choisir de ne pas porter de jupe ou de talons hauts : parce que c'est chiant, handicapant, qu'on ne peut pas courir avec, que ce sont des attributs féminins qui contraignent et limitent). (Ça peut donc être un choix politique en même temps qu'un choix pratique.)

C'est peut-être la recherche d'une certaine présentation esthétique de soi, un mode d'identification, un plaisir (comme on choisit un « look », comme on arbore un piercing) : le plaisir de s'affirmer et de se présenter sur ce mode-là. (C'est sans doute les deux.)

L'hexis corporelle « peu féminine » qui est la sienne est explicitement associée à une forme de pouvoir, ou de résistance : quand elle décrit la posture « d'une parfaite féminité » de sa future amante, elle la traduit immédiatement en termes de limite, de rétrécissement, de tassement de soi («  comment occuper dans l'espace du monde le moins de place possible », p.54). La narratrice, elle, ne craint pas de prendre de la place.

N'être « pas très féminine », pour la narratrice et son interlocutrice de la page 54, c'est se montrer à la fois « [désinvolte] », se « [foutre] de tout », et combative : « monter à l'assaut et […] dévaster les positions adverses ». Ce paragraphe associe très clairement la masculinité à l'assurance et au pouvoir.

La déviance de genre de la narratrice suscite chez son amante un sentiment de surprise, de déstabilisation (« ton attitude la choque »), et d'envie (comme si elle se disait... alors vivre comme cela est possible ? Être une femme de cette façon-là est possible ?).

 

Que penser enfin de la formule d'Anne Simon, comme quoi Anne Garréta « se représente comme de genre masculin » (p.33) ? Sa narratrice en tout cas ne se « représente » pas « comme de genre masculin ». Le mot de « genre » apparaît à deux reprises, lorsqu'on la prend pour un « il », et l'auteure joue sur le double sens du terme, grammatical et sociologique. Les deux fois, Garréta qualifie explicitement le jugement de ses interlocuteurs/trices d'erreur : « la détromper sur ton genre », p.66, « se fût trompée de genre », p.101. Il n'est donc pas exact, selon la narratrice, que son genre soit masculin.

On peut dire en revanche que le genre qu'elle performe est complexe.

 

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27 octobre 2010 3 27 /10 /octobre /2010 19:17

  J'ai lu une première fois le roman de Garréta, puis je l'ai repris pour gribouiller des numéros de pages sur mon petit carnet ; et de mes gribouillis j'aimerais tirer ceci :

1. vous parler d'abord des « habitudes sociales » du personnage de la narratrice (qu'Anne Simon épingle comme typiquement masculines),

2. évoquer ensuite la « présentation de soi » de la narratrice, en lien, en particulier, avec son genre,

3. mettre enfin les pieds dans le plat de la sexualité et du désir.

 

kimaPour Simon, le personnage de la narratrice « se définit comme relevant du « masculin », tant dans ses habitudes sociales que dans sa sexualité » (p.35) ; et par « habitudes sociales », elle entend manifestement ceci : « La narratrice est [...] une adepte des bars et du cognac, des pompes et des katas, des voitures et de la menuiserie. » (p.34) Examinons donc ces habitudes.

 

L'alcool. Dans quatre des douze chapitres, il est fait mention de cognac ou de whisky. Dans un tiers des histoires donc, la narratrice boit un coup. (Il est vraisemblable qu'Anne Garréta elle-même ait un goût pour les alcools forts, et particulièrement le cognac et le whisky.) (Elle se pochetronne pas non plus hein... pas de scènes de poivreautage dans ce roman assez upper-class. (D'où le cognac, d'ailleurs – et on peut imaginer le whisky du meilleur cru, genre gros mec à cigare.) Garréta a fait une khâgne à Henri IV et Normale sup, et n'a jamais été keuponne comme Virginie Despentes, à vomir de la bière dans les concerts de rock... ).

 

La menuiserie. (Ça, c'est la mention la plus marrante.) Dans l'une des histoires, il y a une occurrence de ce thème, une remarque, donc, sur une page du roman, et qui dit ça : que l'appartement de la narratrice est un vrai bordel, croulant sous les livres, et qu'elle a l'intention sans cesse repoussée de se construire des étagères ; elle raconte qu'elle passe une nuit à dessiner un plan de bibliothèque, et qu'elle regrette de ne pas avoir d'atelier pour fabriquer tout ça, alors qu'elle a à disposition des outils. Bon. (Voilà pour la masculinité réifiée. ???)

 

Le sport. Les pompes et les katas. De cela il est question dans l'une des histoires. La narratrice évoque un cours de sport de combat auquel elle participe régulièrement. Mais là où c'est franchement marrant, c'est qu'il s'agit en fait... d'un cours d'autodéfense féministe !! un « cours de self-defense for women » (p.116). Typiquement masculin, donc...

 

Enfin, les voitures. Deux histoires sont concernées ici.

J'en parlerai davantage plus tard, quand j'aborderai la question du désir et de la sexualité dans le roman, car la mécanique et les voitures fonctionnent dans le livre sous la forme de métaphores (de la littérature, du sexe, et surtout du désir).

Je me borde à noter ici que le choix de cette métaphore traduit (aussi) l'importance de cette thématique dans la vie de la narratrice (« la mécanique » a donc sa place dans la liste des « habitudes sociales » dressée par Anne Simon). La narratrice aime à partir pour le longues virées en solitaire dans sa Pontiac. Je pense aux romans de Paul Auster (au début de la Musique du hasard, particulièrement) (et dans ces romans les personnages sont toujours des hommes) ; et je me laisse à penser que la voiture, avant d'être l'attribut d'une virilité réifiée, peut être l'instrument de l'autonomie.

 

A la liste des « habitudes sociales » masculines établie par Simon on peut rajouter le goût du billard (p.18), du flipper et des girlfightjeux vidéos, et particulièrement des jeux de baston : la narratrice joue en effet à Mortal Kombat... (p.87)

 

Que conclure de tout cela ?


D'abord, que les pratiques sociales de ce personnage ne sont pas si fortement marquées au masculin que l'écrit Simon. Mais finalement, est-ce si important ? Ce roman peut être l'occasion de réfléchir aux questions que soulèvent les personnes qui, bien que se présentant d'un genre donné, adoptent les pratiques ou une partie des pratiques associées pour autrui à l'autre genre.

 

Je vous propose de vous livrer à un petit exercice de pensée [pardon pour le lien, j'ai pas pu résister ]. Imaginons une personne dont le corps (la corpulence, le traitement de la pilosité et des cheveux, les accessoires et les vêtements) ; la façon de se tenir, de marcher, de s'asseoir) seraient parfaitement conformes à l'expression d'un genre donné.

Y aurait-il dissonance si cette personne existait socialement – dans tout ce qu'elle dit, dans tout ce qu'elle fait, dans toute la part qu'elle prend au monde – comme une personne du genre opposé [y a-t-il dissonance si, depuis et avec mon corps, je fais tout ce que fait mon frère] ?

 

Ce petit sport revient à traquer les marques du genre dans son corps et son existence sociale, qui sont susceptibles d'être lues par autrui : les signes pertinents, l'univers de significations lisibles par autrui dans une culture donnée.

 

Pour Anne Simon, vraisemblablement, dans le personnage forgé par Anne Garréta, il y a dissonance (il y a pour elle un décalage lisible). Pourtant, ce que critique la chercheuse ne peut être la non adéquation du personnage aux normes de la féminité : le livre entier vise à dénoncer « la dangereuse perpétuation d'une forme d'essentialisation du féminin » (4e de couv'). Que critique-t-elle, alors, dans le comportement et les attitudes de la narratrice ?

Je fais l'hypothèse que la critique proférée par Anne Simon peut être interprétée dans cette perspective : à ses yeux, ces habitudes sociales ne sont pas seulement masculines, elles relèvent d'une mauvaise masculinité.

 

Dans son ouvrage « Se dire lesbienne. Vie de couple, sexualité et représentation de soi », Natacha Chetcuti écrit ces lignes sur l'aspect péjoratif de l'appellation « camionneuse » :

« Le terme butch remplace celui de « camionneuse » dans le contexte social actuel, ce qui évite l'effet répulsif de ce mot. Ce qui est rejeté par les lesbiennes à travers la figure de la camionneuse, ce n'est pas seulement l'emprunt d'attributs masculins, c'est de doubler cet emprunt d'attitudes et de comportements identifiés à ceux des hommes, et en particulier des hommes de la classe populaire, à la virilité perçue comme outrancière. » (, p.85) (C'est moi qui souligne.)

 

Ces lesbiennes qui se revendiquent butch ne revendiquent pas n'importe quelle forme de masculinité. Les différentes configurations culturelles de « féminités » et de « masculinités » sont les résultats du croisement du genre avec d'autres formes de rapports de pouvoir, comme la race ou la classe ; la « camionneuse » incarne la masculinité populaire, une des formes de la « mauvaise masculinité » (trop de masculinité, masculinité outrancière, virilisme), de la même façon que la féminité populaire est souvent jugée vulgaire (là aussi, excessive : trop de maquillage, trop sexualisée, etc.).

 

La narratrice de Garréta n'appartient pas à la classe populaire. Pour autant, la forme de masculinité qu'elle incarne est excessive, pour A. Simon : elle parle de « caricature ».

Il me semble que l'accusation d'excès est une façon d'exprimer son rejet à l'égard d'une configuration donnée du genre. Pour Anne Simon, cette formule-ci du masculin n'est pas bonne.

 

A quoi pourrait ressembler une bonne masculinité pour Simon ? Je l'ignore. Peut-être à une femme libérée . En tout cas, à une femme avec un peu moins de cambouis sur les mains et de whisky dans le foie.

 

Je laisse ce post extrêmement désordonné en suspens. (Parce que ma débroussailleuse à idées est en panne. Vive les friches.)

 

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25 octobre 2010 1 25 /10 /octobre /2010 09:18

  Ayé. J'ai lu "Pas un jour" d'Anne Garréta. En entier.

Et suite à mes blablas précédent, qui avaient pour source le livre "A leur corps défendant," j'aimerais bien mettre du clair (ici devant vos yeux ébahis) dans ce que Garréta fait du genre et de la sexualité dans son roman. (Parce qu'il me semble que c'est intéressant. Que c'est pas banal. Que ça... allume plein de petites lucioles dans la tête, comme des questions. (Ou plein de petites questions comme des lucioles, c'est selon.))

 

Je commence par vous présenter brièvement le machin.

 

pasunjour.jpg147 pages, un Ante scriptum, un Post scriptum, et 12 petits chapitres entre les deux. Dans l'Ante scriptum, Garréta nous annonce qu'elle va se livrer à un jeu dont elle établit les strictes règles : « tu t'assigneras cinq heures […] chaque jour, un mois durant, à ton ordinateur, te donnant pour objet de raconter le souvenir que tu as d'une femme ou autre que tu as désirée ou qui t'as désirée » (pp.11-12). (Grande règle directrice, assortie d'une louche d'autres petites règles.) Dans le Post scriptum, elle nous avoue qu'elle n'a pas du tout réussi à respecter ces règles formelles ; et surtout, elle nous fait cette farce, ce petit tour de passe-passe, qui m'a plu (qui m'a faite sourire, que j'ai trouvé malin) : « dans la série de ces nuits, il y en a une, au moins une, qui est une fiction. Et tu ne diras pas laquelle. » (p.144)

Dans ses douze brefs chapitres, Anne Garréta égraine donc douze souvenirs de femmes, désirées, désirantes.

On ne peut pas dire que j'aie adoré ce bouquin – m'enfin, je suis loin de trouver ça nul – disons qu'elle a parfois une jolie plume, des phrases qui accrochent, certaines histoires m'ont gonflée certes, mais d'autres plutôt saisie ; c'est pas vraiment mon bol de thé, ces fariboles-là (circonvolutions autour d'un nombril assez sûr de lui, quelques digressions un peu oiseuses un peu fumeuses, certaines pages assez pédantes), mais...


En fait, voilà : l'intérêt principal de ce roman, à mon sens, c'est ce qu'il dit de la sexualité et du genre. (Ce qu'il dit, ou ce qu'il faut aller chercher, dessous - en déshabillant la poupée.)

 

 

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18 octobre 2010 1 18 /10 /octobre /2010 08:02

  L'essai de Judith Butler est militant. Elle s'engage. Son but, en l'écrivant, était de travailler à rendre le monde davantage vivable. Ouvrir des possibles. « Je n'ai pas écrit sur ce processus de dénaturalisation pour le simple plaisir de jouer avec la langue ou pour nous obliger à jouer aux marionnettes au lieu d'affronter la « vraie » politique. […] Je l'ai fait par désir de vivre, de rendre la vie possible et de repenser le possible en tant que tel. » (p.43)

Elle porte donc dans Trouble dans le genre des jugements moraux – elle juge qu'il est bien, ou mal d'agir de telle ou telle sorte : mal de renforcer les normes de genre et de sexualité, qui oppriment et empêchent de vivre certaines personnes, bien de les fragiliser, les faire céder, pour que cesse le rejet d'hommes et de femmes hors de l'humanité.

 

Le propos de Détrez et Simon dans A leur corps défendant a lui aussi une résonance morale : elles aussi se positionnent comme féministes, engagées, et prennent parti pour une plus large ouverture des possibles (ou en tout cas pour une moindre emprise de l'ordre moral et une émancipation des femmes).

C'est depuis ce point de vue engagé que les deux chercheuses prononcent leur jugement contre une bonne partie des écrivaines francophones contemporaines, et en particulier (c'est ce qui nous intéresse – heu, m'intéresse depuis quelques posts...) contre le roman d'Anne Garréta, Pas un jour.

 

Le chapitre dans lequel s'inscrit l'analyse de Pas un jour traite du corps, et s'intitule « les contraintes de la libération corporelle » (pp.25-47). Il y est plus proprement question de sexualité (ainsi les quatre sous-parties du chapitre ont pour titres : « sexualité : une libération illusoire », « petit kamasutra littéraire », « le retour du refoulé ? » et « du « joui-dire » au sexploit » : du plaisir verbalisé au devoir de performance »). « Les auteures de notre corpus », écrivent Simon et Détrez, « revendiquent le droit au plaisir, mais en décrivent également la « mécanique » » (p.27).

L'examen du livre de Garréta apparaît dans la plus longue des quatre sous-parties, « le retour du refoulé ? », qui s'étend sur 12 pages (pp.30-42). (C'est en fait sur cette unique sous-partie que se sont concentrées presque toutes mes remarques et mes interrogations...)

 

Dans ces douze pages, donc, Détrez et Simon cherchent à démontrer que les livres de leur corpus, qui traitent ouvertement de sexualité, ne remettent pas en cause les normes en matière de sexualité. On l'a vu, leurs arguments sont assez étranges et m'ont peu convaincue (accusations de préciosité et d'euphémisme, ton érotiquement correct, et surtout décalques au féminin de clichés masculins).

 

[On peut noter une critique qui sort du rang, p.31 : Détrez et Simon reprochent à Anne Cécile un « exotisme de pacotille » (et de citer un extrait de « Bleu ou la piscine », dans lequel les « moiteurs tropicales », « les contrées exotiques », la « moustiquaire » et le « feulement des panthères » plantent effectivement un décor orientalisant du plus mauvais goût). Mais ici, c'est de flirt avec les clichés racistes que l'on peut accuser la romancière... Peut-on dire que cette imagerie raciste s'inscrit dans un univers érotique masculin ? Détrez et Simon attendraient-elles des auteures femmes qu'elles rompent avec la culture raciste parce que ce sont des femmes ? Là encore, je ne comprends pas.]

 

Bref, revenons à nos brebis.

Détrez et Simon parlent des femmes qui parlent de sexualité. Et quand elles en arrivent à Anne Garréta, elles parlent de genre. (Il n'a pas été question de normes de genre depuis le début de la sous-partie.) Elles décrivent le genre de la narratrice de Pas un jour, qu'elles qualifient de masculin.

Elles font une brève allusion à la façon dont Garréta écrit la sexualité, mais sans donner aucune prise à l'analyse, sans nous donner rien à manger pour penser.

En résumé, Détrez et Simon :

1. font une critique en règle du genre (diagnostiqué masculin caricatural) de la narratrice du roman,

2. énoncent que cette narratrice fait du sexe comme un homme (« selon les termes d'une masculinité réifiée et naturalisée par quelques millénaires de culture occidentale » (rien que ça !!) (p.34)), mais sans nous donner aucune explication (alors que justement, c'est ce qui nous intéresse au plus haut point....)

3. concluent (hop hop) par la citation de Butler et ferment le dossier.


Voilà la fameuse citation de Butler :

« Il me semble toutefois important de reconnaître que la performance que constitue la subversion du genre ne dukes-encore.jpgrenseigne pas nécessairement sur la sexualité ni sur la pratique sexuelle. On peut jouer sur l'ambiguïté au niveau du genre sans pour autant jeter le trouble dans la norme en matière de sexualité ni la réorienter. Parfois, l'ambiguïté au niveau du genre permet précisément de contenir ou de contourner la pratique sexuelle qui n'est pas « normale » et par là d'œuvrer à maintenir telle quelle la sexualité « normale ». Impossible donc d'établir une corrélation entre les pratiques drag ou transgenres, par exemple, et les pratiques sexuelles. Il n'est guère plus facile de cartographier la sexualité à l'aide des préfixes hétéro-, bi-, et homo- compte tenu du caractère mouvant et changeant du genre. » (pp.34-35)

(En italique, la phrase que retiennent Simon et Détrez.)

 

Butler démontre que certains types de pratiques sexuelles ont le pouvoir de déstabiliser les normes de genre, et inversement ; elle n'affirme pas du tout néanmoins que certaines sexualités produisent certains types de genres (ni l'inverse). Elle examine les liens entre sexualité et genre, on l'a vu, mais n'établit pas de relations stables et systématiques entre telle configuration de genre et telle pratique sexuelle.

Ce qu'elle dit dans ce passage, en gros, c'est que tout ça comprend une part d'imprévisible, d'improvisation, de vivant, d'historique ; le genre est « changeant » et « mouvant ». De la même façon, on ne peut pas établir une fois pour toutes que telle performance de genre est et restera subversive, tandis qu'une autre sera normative.

Ainsi, si genre et sexualité sont liées, et bien que les normes de genre soient confortées par la sexualité dite « normale », on peut performer un genre ambigu, un genre lesbien masculin par exemple, comme la narratrice de Garréta, et ne pas ébranler du tout les normes de sexualité. C'est tout à fait possible.

« Parfois », écrit Butler, « l'ambiguïté au niveau du genre permet précisément de contenir ou de contourner la pratique sexuelle qui n'est pas « normale » [la sexualité lesbienne] et par là d'œuvrer à maintenir telle quelle la sexualité « normale » [la sexualité hétérosexuelle] » : ce que suggèrent Détrez et Simon, c'est que via sa performance de genre masculin, le personnage de Garréta contourne la sexualité lesbienne, car bien que couchant avec des femmes, elle fait l'homme, et conforte la sexualité hétérosexuelle.

 

Deux réponses :

 

1. Supposons d'abord que l'on se rallie à l'opinion des deux chercheuses : la narratrice n'ébranle pas les normes de sexualité. Mais Butler ne dit pas qu'elle n'ébranle pas les normes de genre. Elle dit même le contraire. Si la phrase de Butler s'applique ici, alors le genre du personnage de Garréta est reconnu comme ambigu : faute de jeter le trouble dans la sexualité, cette femme déstabilise bien les frontières du genre. (Ce que nient Détrez et Simon, qui jugent qu'elle se fourvoie sur les deux tableaux, la sexualité et le genre).

 

gazonm.jpg2. Un petit détour par la troisième partie de Trouble dans le genre nous éclaire sur la conception de Butler du jeu érotique butch/fem, et des liens entre sexualité et genre lesbien masculin.

« Dans les communautés lesbiennes, l' « identification » avec le masculin de l'identité butch n'est pas une simple assimilation du lesbianisme à l'hétérosexualité. […] l'objet (et il n'y en a clairement pas qu'un seul) du désir lesbien fem n'est ni un corps féminin hors de tout contexte ni une identité masculine distincte et pourtant superposée à ce même corps. C'est la déstabilisation du rapport entre le corps et l'identité, le féminin et le masculin qui devient érotique. […] L'idée que la butch et la fem seraient des « répliques » ou des « copies » conformes de l'échange hétérosexuel sous-estime la charge érotique de ces identités : celles-ci resignifient les catégories dominantes qui les rendent possibles en y introduisant de la dissonance et de la complexité. » (pp.240-241)

 

Voilà pour le deuxième round du match .

Je ne pense pas avoir été super claire, mais j'ai fait ce que j'ai pu !!!

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14 octobre 2010 4 14 /10 /octobre /2010 12:09

  « On peut jouer sur l'ambiguïté au niveau du genre sans pour autant jeter le trouble dans la norme en matière de sexualité ni la réorienter », écrit Judith Butler dans l'introduction de 1999 à Trouble dans le genre (p.34).


Anne Simon et Christine Détrez s'appuient sur cette citation pour neutraliser l'éventuelle portée subversive du roman d'Anne Garréta Pas un jour. Selon elles, dans cette création littéraire, Garréta joue certes sur l'ambiguïté au niveau du genre, mais ce jeu, loin de déstabiliser la norme, aboutit au final à la renforcer.

On n'assiste selon elles qu'à une assimilation par un personnage « apparaissant anatomiquement féminin » (p.35) d'un rôle masculin figé, caricatural, stéréotypé. Le durcissement de la norme de genre et de sexualité est accentué par le fait que ce personnage « se défini[ssant] comme relevant du « masculin », tant dans ses habitudes sociales que dans sa sexualité » (p.35) est une lesbienne : une femme qui aime les femmes se fond dans le rôle de l'homme, se calquant ainsi sur le modèle hétérosexuel le plus normatif. Ainsi, la question qu'elles posent en haut de la page 36 semble purement rhétorique, et tranchée par la citation de Judith Butler qui suit directement : [l'oeuvre d'Anne Garréta] « renforce-t-elle le figement des positions de genre, du fait de l'incorporation, par une femme aimant les femmes, d'une masculinité relevant de la caricature virile ? » (p.36)

  duel.jpg

 

On peut lire ici un assez long extrait du roman « Pas un jour », qui permet de se faire une petite idée de sa teneur. Nulle caricature dans ce texte à mon sens.

 

Le propos de Détrez et Simon est ambigu car on ne sait trop si l'essentiel de la critique porte sur l'aspect « caricature » et « stéréotype » (de l'homme comme « adepte des bars et du cognac, des pompes et des katas, des voitures et de la menuiserie » (p.34), de la femme comme « pur objet du désir » (p.34)), ou sur cet accaparement par un personnage lesbien des habitudes sociales et de la sexualité traditionnellement dévolues aux hommes.

 

A réfléchir plus avant sur la situation romanesque créée par Garréta et sur la phrase de Butler, à écrire tout ceci, une idée plus claire m'est venue, sur le rapprochement opéré par Détrez et Simon. Et si je ne savais qu'en penser il y a encore quelques heures, à présent il me semble que les auteures d'A leur corps défendant se trompent en convoquant ici Judith Butler. Il me semble que non, elle n'a pas voulu dire cela dans cette introduction de 1999. Non, elle n'aurait pas porté ce jugement sur le roman d'Anne Garréta.

Non, elle devait songer à autre chose.

Ce n'est pas ça.

Je m'en vais tenter de vous expliquer ça dans le post suivant...

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Présentation

Où êtes-vous ?

Chez la méduse. Glânez comme bon vous semblera.
Vous trouverez ici de petits comptes-rendus de bouquins que j'ai lus (plus souvent de passages / chapitres), ou (plus rarement) de cours / séminaires / conférences auxquels j'ai assisté. (Je veillerai à user les citations avec modération, si !)
Ces petits topos seront situés : c'est moi qui parle, j'écrirai donc ce que j'ai compris / pas compris, ce que j'ai aimé, ce qui m'a intéressé, ce avec quoi je suis en désaccord, etc. Les réactions sont très bienvenues. Vous y trouverez aussi épisodiquement des récits - de choses vues, entendues, autour de moi.
Thèmes abordés chez la méduse : féminisme, théorie féministe, genre - militantisme, sciences sociales, racisme aussi (... etc.?)
Pour quelques explications sur la méduse qui change en pierre et vaque à son tas, vous trouverez un topo ici. D'avance merci pour vos lectures.

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