Suite de la cuisine badérienne.
" « Lui [le bébé garçon, avec le petit robinet, là] ne peut exister qu’en s’opposant à sa mère, à sa féminité, à sa condition de bébé passif. A trois reprises, pour signifier son identité masculine, il lui faudra se convaincre et convaincre les autres qu’il n’est pas une femme, pas un bébé, pas un homosexuel. D’où le désespoir de ceux qui ne parviennent pas à réaliser cette triple négation ». (p.58)
D’où l’on retire que :
1. être, c’est d’abord et avant tout être son sexe, être sexué, être un garçon ou être une fille, être un homme ou être une femme, et ce même pour un bébé, un nourrisson – que dis-je un nourrisson, un fœtus (p.57-59) !! : total rabattement de la question de l’identité sur la question du sexe (« lui ne peut exister qu’en… ») ;
2. être homme c’est : ne pas être passif (symétriquement être femme c’est donc être passive) (ou : être un homme c’est ne pas être un bébé / être une femme c’est rester enfant) ;
3. ils sont homosexuels parce qu’ils ont échoué quelque chose, « ils ne sont pas parvenus à » (ne pas être homosexuels), ou : un homosexuel est un raté ;
4. l’éventuel désespoir d’un homme homosexuel n’a nul besoin d’être expliqué par une quelconque réaction de l’entourage, « homophobie » - connaît pas. Non, la condition d’homosexuel porte en soi le désespoir (comme si elle devait naturellement s’accompagner de sa punition, en tant que condition de celui qui a échoué).
La dyade mère-fils ou le duo amoureux. La fusion originaire.
« Trop d’amour l’empêcherait de devenir un mâle, mais pas assez peut le rendre malade. Dès la naissance, le bébé mâle est naturellement en état de passivité primaire, totalement dépendant de celle qui le nourrit. Déjà Groddeck remarquait que « pendant la tétée, la mère est l’homme qui donne ; l’enfant, la femme qui reçoit ». Cette toute première relation érotique… » (p.75)
Ce qui me frappe rudement, moi, c’est ce vieux cliché moisi de la relation sexuelle (hétérosexuelle), avec l’homme actif « qui donne » et la femme passive « qui reçoit », venant d’une femme en plus, ça me mortifie, même ça me rend triste ; je lui montrerai moi à la Badinter si je reçois passivement quand je… bref.
Allez chercher ce qui est spécifique au "bébé mâle" dans le fait d'être totalement dépendant de la/les personne.s qui le nourissent... ??? (nan, le bébé femelle, elle, fait pas sa grosse larve à croûter toute la journée dans son berceau : elle se bouge ses petites fesses, elle va au supermarché, elle s'achète son lait en poudre ! nan mais oh !)
L’amour d’une mère pour son bébé (et réciproquement) n’a rien d’une relation passionnée d’amour inégalable (« amour total » p.76, « l’amour le plus puissant et le plus complet qu’il est donné à l’être humain de connaître » p.74, le « plus puissant des amours » p.75)...
Comment l’ « amour » entre une personne et une autre personne qui n’est pas encore libre, qui ne pense pas, ne parle pas, dont la conscience n’est pas formée, pourrait-il être le must de toutes les formes d’amour, sinon par un mouvement régressif de sacralisation de l’animal, de la nature, du biologique, du vivant ?
« Plus une mère prolonge cette symbiose – relativement normale dans les premières semaines ou les premiers mois – plus la féminité risque alors d’infiltrer le noyau d’identité de genre. »
Ce verbe « infiltrer » appelle des images effrayantes. La souillure toxique de la féminité menaçant l’intégrité de la pure virilité immaculée. On pense à la juiveté infiltrant la race aryenne, au sang nègre infiltrant la race blanche. Tel un serpent, donnant des coups de tête pour fissurer le noyau-forteresse du Mâle, voulant se mêler et polluer la grandeur masculine. Un danger de contamination du féminin, par trop longue exposition aux humeurs maternelles.
Les Baruyas garçons sont nourris du sperme de leurs aînés, mais des aînés non encore mariés, car les pénis nourriciers ne doivent pas être entrés en contact avec un vagin de femme. Il est préférable que l’homme se tienne au dessus au cours d’une relation sexuelle, sans quoi les sécrétions vaginales pourraient couler sur l’homme et porter atteinte à la virilité de son corps. Une éducation au milieu de femmes rend le jeune garçon mou, tendre, tiède, comme une femme ; elle fabrique des homosexuels. « C’est probablement là que se trouve l’origine des craintes de l’homosexualité, beaucoup plus marquées chez les hommes que chez les femmes, ainsi que la plupart des racines de ce que l’on nomme masculinité, à savoir la préoccupation d’être fort, indépendant, dur, cruel, polygame, misogyne et pervers » (p.78) Alors ça, ça me la coupe.
Quel cafard."