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15 février 2010 1 15 /02 /février /2010 09:49

 "Je rigole (orangé) quand je lis « Le jour des règles vient naturellement, sans effort sinon sans douleur, et voilà la petite fille déclarée femme pour toujours. »

Avoir ses règles n’est pas un fait de nature, ou plutôt qu’avoir ses règles ne dit rien en soi, n’a pas de signification en soi tant que les hommes ne se saisissent pas de ce fait. Il n’est aucun fait naturel, chez l’homme, qui ne soit profondément informé par la culture (de même qu’une paire de couilles n’a pas de signification en soi, que deux chromosomes sexuels n’ont pas de signification en soi).

 « Les chercheurs culturalistes ont beaucoup contribué à éliminer les confusions entre ce qui relève de la nature (chez l’homme) et ce qui relève de la culture. Ils ont été très attentifs aux phénomènes d’incorporation de la culture, au sens propre du terme, montrant que le corps lui-même est travaillé par la culture. La culture, expliquaient-ils, « interprète » la nature et la transforme. Même les fonctions vitales sont « informées » par la culture : manger, dormir, copuler, accoucher, mais aussi déféquer, uriner, et encore marcher, courir, nager, etc. Toutes ces pratiques du corps, absolument, semble-t-il, naturelles, sont profondément déterminées par chaque culture particulière, ce que Marcel Mauss, de son côté, démontrera en 1936 dans son étude sur les « techniques du corps » : on ne s’assoit pas, on ne se couche pas, on ne marche pas de la même manière d’une culture à une autre. Chez l’être humain, on ne peut observer la nature que transformée par la culture. »

(La Notion de culture dans les sciences sociales, Denys Cuche, p.42.)

 E.B. inverse tout simplement la chaîne logique : dans notre civilisation, la catégorie femme est pensée en lien avec la nature et la biologie, et en particulier en rapport avec la maternité : la femme est d’abord et avant tout une matrice et une machine de reproduction. Pour cette raison, le fait d’avoir ses règles – signe extérieur que la personne devient fertile, peut enfanter – se voit investi d’une signification puissante : avoir ses premières règles c’est devenir une femme (dans le système culturel qui est le nôtre).

  Ce que E.B. déboîte en : nous savons, nous constatons, c’est un fait que (point de départ) : avoir ses premières règles c’est devenir une femme. Par conséquent, devenir une femme est facile et vient naturellement.


 Je lis la citation de Philippe Djian, page17, et un filet de sueur glacé descend le long de mon dos : « Je crois que je peux comprendre à quoi sert une femme, mais un homme, à quoi sert-il au juste ? »

 Stupeur. Mais à quoi sert donc une femme ?     



« Les êtres dont l’existence dépend, à vrai dire non pas de notre volonté, mais de la nature, n’ont cependant, quand ce sont des êtres dépourvus de raison, qu’une valeur relative, celle de moyens, et voilà pourquoi on les nomme des choses ; au contraire, les êtres raisonnables sont appelés des personnes, parce que leur nature les désigne déjà comme des fins en soi, autrement dit comme quelque chose qui ne peut pas être employé simplement comme moyen, quelque chose qui par suite limite d’autant toute faculté d’agir comme bon nous semble (et qui est un objet de respect).Ce ne sont donc pas là des fins simplement subjectives, dont l’existence, comme effet de notre action, a une valeur pour nous ; ce sont des fins objectives, c’est-à-dire des choses dont l’existence est une fin en soi, et même une fin telle qu’elle ne peut être remplacée par aucune autre, au service de laquelle les fins objectives devraient se mettre, simplement comme moyens. […] L’impératif pratique sera donc celui-ci : Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. »

Emmanuel Kant, Fondements de la Métaphysique des Mœurs (1785), p.294.

 « Je crois que je peux comprendre à quoi sert une femme, mais un homme, à quoi sert-il au juste ? »

 La femme sert à quelque chose.

 Elle remplit une fonction déterminée.

 L’homme lui est mis face à l’absurde de la condition humaine. Il éprouve le vertige de la liberté."
 

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